Avant Cerebria, Mindclash nous a déjà prouvé par deux fois que ce qu'ils promettaient correspondait à ce qu'ils livraient. Mieux, même : qu'ils ne ménageaient pas leurs efforts pour, si possible, faire encore mieux.
S'il est un domaine dans lequel Mindclash excelle, c'est la création d'univers exceptionnels pour ses jeux. Après un Trickerion à l'accueil mitigé mais plongeant les joueurs dans la peau de prestidigitateurs préparant leur nouvelle grande illusion, puis un acclamé Anachrony où une civilisation du futur doit remonter le temps pour empêcher le cataclysme qui va la détruire, Cerebria se déroule à l'intérieur d'une entité (Cérébria) dont le psychisme va se construire à travers une lutte entre émotions positives et négatives (pour simplifier).
Ces univers originaux s'accompagnent à chaque fois d'une direction artistique parmi ce qui se fait de mieux. Et Cerebria est peut-être leur plus belle réussite en la matière. Derrière cette mise en scène absolument sublime se cache un pur jeu de contrôle de territoire, d'influence (sans "combat", tout dans l'influence; pensez à Twilight Struggle). Peut-être pas aussi complexe, au niveau des règles, que les deux précédents titres de l'éditeur mais tout aussi touffu et exigeant en terme de jeu.
Ce qui nous amène aux défauts des jeux Mindclash. Ou, plutôt, aux caractéristiques qui font que ce jeu n'est peut-être pas pour vous. Mindclash crée des jeux pour les joueurs les plus exigeants et Cerebria, malgré ses visuels "tous meugnons", ne déroge pas à la règle : n'imaginez pas le sortir en famille (à moins d'être tous des gamers) ni même avec des joueurs occasionnels. L'éditeur peine aussi à évaluer les durées de parties, clairement sous-estimées. Si Cerebria est ainsi annoncé pour 60-120 min, comptez directement 2 heures pour une partie (voire 2h30 ou plus si vous jouez en équipes et que ça discute un peu).
Dans le cas de Cerebria, cela se couple à une incertitude quant aux modes de jeu. Ce titre a été pensé comme un 2vs2, chaque contrôlant une émotion et la partie se jouant en équipe. Ceci dit, Mindclash propose une large variété de modes de jeu qui sont censés couvrir tous les cas de figure possibles; et l'éditeur a prouvé par le passé qu'il prenait le plus grand soin des variantes (le solo d'Anachrony étant par exemple un modèle du genre -c'est d'ailleurs le même auteur qui s'occupe des solos et coop à 2 joueurs pour Cerebria). Mais on ne peut s'empêcher de se dire que, si les variantes couvrent tous les cas de figure de 1 à 6 joueurs, certains seront probablement à éviter/médiocres.
La campagne s'est finalement avéré mollassonne, bien trop sage; sans la folie qu'on attendait après un départ en fanfare. Le succès de la campagne a apporté suffisamment de contenu additionnel, même si celui-ci devrait être inclus aussi dans la boîte "boutique". Nous vous recommandons de toute façon de prendre la version avec figurines qui est en exclusivité sur Kickstarter. Et, à moins de peindre, de prendre la version peinte (malgré les risques du prépeint; Mindclash s'avance en territoire dangereux en proposant cette option même si la grande taille des figurines limite les écueils). Cela représente certes un budget conséquent, même au vu des taux de change actuels très favorables. Dans le cas où vous préfériez rester raisonnable, aucun souci : la version avec standees devrait largement faire l'affaire et, vu la beauté des illustrations, c'est une solution bien plus élégante que des figurines non peintes.
On aurait bien aimé un peu plus que le service minimum; qu'ils profitent de l'originalité de l'univers. Dommage d'être passés à côté et de s'être contentés de quelques actualités sur l'avancement des Stretch Goals. C'est là le gros point faible de l'éditeur qui ne lui permet pas de vraiment exploser les compteurs à chacun de leurs projets malgré des qualités ludiques indéniables.
Le jeu de cartes Cerebria
L'annonce par Mindclash d'un jeu de cartes dérivé de Cerebria a pris tout le monde par surprise. Mais on comprend parfaitement leur envie de faire vivre les superbes visuels du jeu. Sans être un pur alibi, seuls les visuels le lient au jeu de plateau ; on n'y retrouve aucune des mécaniques ou fondamentaux. En résumé, celui-ci ne nous semble absolument pas nécessaire, ce ne sont pas les projets d'excellents jeux de cartes à tarif équivalent qui manquent (et les boutiques en sont pleines).