Feudum est un projet amateur dans le plus pur style. Ne vous attendez donc pas à la panoplie de "trucs" marketings habituels : l'auteur a peaufiné son précieux et nous le propose tel quel, sans aménagements. Et, parfois, sans ménagement non plus.
L'un des avantages de ce genre de projet, c'est leur capacité à sortir totalement des sentiers battus. L'exemple le plus frappant, ici, est le plateau de jeu géant. Plus d'un mètre de long (sur 40cm de large); ce qui permet de mettre en valeur l'illustration qui le compose. Le beau est toujours sujet à controverse, on aime ou pas; mais le résultat est bluffant avec ce monde regorgeant de détails qui le rendent "vivant", n'attendant plus que nous. Et nos petits cubes.
Feudum est également plutôt original dans ses mécaniques. Gestion de main, de ressources, programmation et "area control" sont au programme. Vous incarnerez un personnage médiéval qui va se bâtir petit à petit "son" royaume où il cultivera des fermes, taxera les villages et guerroiera pour défendre ou étendre son territoire. Sans oublier de rendre hommage au roi et verser le tribu qui lui est dû. Et rien de tout cela ne peut se faire sans l'appui des Guildes.
Feudum : les grandes lignes
Vos "ouvriers" sont constitués de dés (3 par joueur) dont chaque face représente un personnage différent. Et tout commencera avec 11 cartes Action.
Une partie dure cinq époques, soit entre 6 et 12 tours, qui débutent par la sélection des quatre cartes "Action" qui vous serviront pour le tour. Celles-ci vous serviront à déplacer vos personnages, augmenter votre influence sur un objectif, utiliser les guildes à votre avantage etc. Vous chercherez aussi à influencer ces guildes et à gagner des "progrès". Il existe 5 niveaux de Progrès et la partie s'achève lorsqu'une pile de Progrès (6 piles, une par région) est vide.
Chaque joueur va donc choisir 4 cartes Action pour le tour. On les résout une par une pour tout le monde. Les cartes proposent deux effets : un jouable sans condition et l'autre seulement si on remplit certaines conditions. Puis il faudra approvisionner vos sujets (payer des jetons de nourriture ou de vin). Lancer le dé de Progrès pour retirer une tuile des 6 piles disponibles. Et marquer les points pour l'époque si la tuile retirée fait avancer d'une époque.
Parmi les défauts du jeu, on va dire qu'il a celui de ses qualités. Le jeu est riche avec de nombreuses ressources, énormément d'objectifs et de paramètres susceptibles de changer à chaque tour qui sont tous disséminés sur l'immense plateau de jeu. La mise en place tient ainsi du parcours du combattant. Et choisir ses 4 cartes Actions pour le tour sera une véritable torture pour les joueurs souffrant d'Analysis Paralysis.
Si le plateau de jeu est ce qui saute en premier aux yeux, et qu'il semble de prime abord qu'on est sur un jeu de "conquête", ce serait oublier les 3 personnages à chaque extrémité qui illustrent chacun une guilde. Parce que, finalement, c'est là que se passe l'essentiel du jeu. Toutes les guildes sont interconnectés et la position qu'on occupe dans chacune va déterminer aussi ce qu'on peut faire sur une autre. Et cette position peut aussi être remise en question à tout moment, soit par l'action d'un adversaire avec cette guilde, soit sur le "paysage" en faisant perdre le bénéfice d'une position et, donc, notre statut dans la guilde. Chacune de ces guildes permet d'obtenir des ressources, de l'influence, des sceaux royaux avec lesquels on obtiendra un feudum (un fief).
Pour qui est Feudum ?
Ne vous laissez pas tromper par l'illustration "gentillette" : Feudum est un jeu lourd. Très lourd! On est face à un des plus complexes dont j'ai eu à lire les règles. Non seulement il demande une excellente planification, mais sans jamais oublier que chaque action va avoir une influence sur l'ensemble du plateau et des positions en guilde. Et avec des effets variables à chaque action. En prenant en plus en compte les actions des adversaires pour ne surtout pas en laisser un s'installer à la tête d'une guilde et en tirer un bénéfice trop important.
La campagne regroupe probablement à peu près tout ce qu'on déteste voir, comme les bonus transformés en achats optionnels. Ou des tarifs pas vraiment "friendly". Et on peut s'interroger sur l'équilibre d'un jeu aussi lourd alors qu'il a été développé par un amateur dans son coin. Et il semble important d'insister encore sur la complexité du jeu, que je mettrais volontiers sur le même plan qu'un Vinhos. Autant dire que ce n'est pas pour moi. Et sans doute pas pour beaucoup des lecteurs.
Mais on ne peut pas lui reprocher d'être exceptionnel. Même s'il se repose sur des mécaniques classiques, il en fait un usage intensif avec des interconnexions à plusieurs niveaux : changer l'influence sur une ferme va impacter les positions dans une guilde qui, à son tour, va influencer une autre guilde et les points qu'on marquera. Et tout cela avec seulement 4 cartes par tour. Mais dont les effets sont tellement profonds que le plateau aura totalement changé d'aspect entre la sélection des cartes et le moment où vous jouerez la 3ème ou 4ème de vos cartes.
La bonne nouvelle est que le jeu semble déjà tellement profond, complexe, qu'il ne semble absolument pas utile de prendre aucune des extensions. Et, en même temps, si le jeu est aussi bon qu'il est prometteur, vous vous en voudrez de ne pas avoir la totale. Alors, oui, c'est cher. Mais si vous aimez les jeux lourds et interactifs, on tient ici un candidat à fort potentiel.
Et le jeu a été annoncé avec des règles en français.
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