L’art de magnifier du vieux avec une pointe de neuf

BoardGameTables.com est passé de la fabrication de tables pour joueurs à l'édition de jeux. Signant au passage une belle réussite avec le roll and write On Tour [VF prévue en boutique en 2020]. Puis s'est découvert un talent dans la rénovation de vieux jeux. Qu'ils soient tombés dans l'oubli comme le superbe Bites (originellement Big Points, chez Schmidt en 2008) ou passés inaperçus comme QE (reprise d'un jeu édité en 2017) ou Loot of Lima (publié dans The Games Journal en 2003).

Le menuisier-éditeur nous propose cette fois trois titres qui ont en commun de se jouer en une dizaine de minutes. Une création et deux reprises, méconnaissables.

GPS est donc une reprise de Finito! édité par Schmidt en 2008. Difficile à imaginer qu'il s'agit encore de ce jeu d'apparence banale où les joueurs posaient des jetons numérotés sur un plateau de 6x6 ronds, eux aussi numérotés.

Non seulement le jeu gagne un thème qui fonctionne bien (des satellites qu'on déploie puis doit repositionner en ordre croissant). Mais le plateau central, représentant la Terre, s'orne d'une roue fléchée qui va remplacer le dé 20 d'origine.

Les joueurs y gagnent au passage la possibilité de jouer à 5. Et un jeu bien plus engageant (mais ce n'était pas bien dur).

Mécaniquement, les changement sont plutôt intéressants. Au lieu d'un plateau numéroté de 1 à 20 (avec deux fois moins de positions 1, 2, 19 et 20 que les 16 autres), on passe à un positionnement circulaire totalement libre. Chacun fixera son point de départ où il le souhaite. Et n'aura pas à souffrir si une des positions plus rares, dont il a besoin, ne "sort" pas. Cela devrait aussi permettre de sauver des parties au départ catastrophique. Et de rendre le jeu un peu moins limité à du calcul de probabilités (basiques).

On reste sur un jeu abstrait / puzzle fort agréable même si les allergiques au hasard hurleront qu'ils "préfèrent encore jouer au Bingo" (chiche ?). Très accessible et très simple, cette nouvelle version est d'ailleurs indiquée jouable à partir de 6 ans (8 pour Finito!); et cela semble très réaliste.

Le genre de petit filler qu'on prend juste pour tuer 10 minutes (sans temps mort, tout le monde joue en simultané). Et qu'on se retrouve à jouer six fois de suite...

Mountain Goats est, lui, une revisite de Level X. Là encore un jeu édité par Schmidt dans sa belle série Easy Play (en 2010) et qui avait même figuré dans la sélection du Spiel. La filiation est plus visible puisqu'il s'agit juste d'une mise en scène visuelle. Hélas, si l'effet est propre, le thème reste plaqué. Gentiment plaqué, dira-t-on; ça fera le job.

Fondamentalement, le jeu est inspiré de Can't Stop qui remplace la tension du "stop ou encore" par (un peu) plus de réflexion et pas mal d'interaction. Le principe de base reste de lancer des dés (4) pour constituer, avec les résultats obtenus, des groupes dont la somme est comprise entre 5 et 10. Cela permettra de faire avancer ses pions sur les montagnes correspondantes.

Si votre lancer donne 5, 5, 6 et 4, vous pourrez déplacer deux fois votre pion sur la montagne n°10 (5+5 et 6+4) ou plutôt vous déplacer sur la 5 (deux fois) et la 10. Ou deux fois la 5 et la 6. Ou avancer sur trois montagnes : 5, 6 et 9 (5+4).

Plus le numéro de la montagne est faible, plus le sommet est haut (de 2 cases pour les n° 5 et 6 à 4 pour les 9 et 10). Et moins vous gagnerez de points en y arrivant, de 5 points (pour la 5) à 10 (pour... la 10). Mais plus vous y arriverez vite, évidemment.

La particularité de ce titre est de pouvoir rester au sommet d'une montagne... et de continuer à marquer des points. Si vous êtes au sommet de la 9 et pouvez constituer avec vos dés un groupe valant 9 au tour suivant, vous allez de nouveau marquer 9 points. Et vous gagnerez encore et encore... jusqu'à ce qu'un autre joueur arrive au sommet. Vous renvoyant au point de départ par la même occasion.

Pour contrebalancer cette mécanique de "King of the hill", les joueurs gagnent aussi un bonus quand ils ont récolté des points sur toutes les montagnes. Il faudra donc en permanence jongler entre pousser une position favorable et rester polyvalent. Tout en veillant à ce qu'aucun adversaire n'abuse de sa position sur un sommet.

Un jeu fort sympathique et rapide (mais à mon avis plutôt en 15-20 minutes qu'en 10). Sans temps mort (car on observe beaucoup les autres). Sans aucun changement par rapport à l'original (en tout cas, je n'ai rien noté). Si ce n'est une mise en scène plus soignée, moderne.

Ça reste très facile d'accès et sans grande difficulté au niveau du jeu. Même si, cette fois, le "6 ans et +" me parait optimiste (et le 8+ d'origine plus réaliste pour bien apprécier les subtilités tactiques -car il y en a).

Attention tout de même : c'est annoncé pour 2-4 joueurs mais (de mémoire), plus intéressant à 3 ou 4. Le King of the Hill crée une belle interaction et oblige à des décisions nettement plus riches qu'à seulement deux joueurs.

Reste le troisième projet. Sequoia, la nouveauté signée du boss de BoardGameTables.com lui-même. L'objectif est cette fois de faire pousser l'arbre le plus grand dans différentes clairières pour marquer les points que celle-ci rapporte (de 2 à 6 points pour le vainqueur, le second remporte un point en consolation). En vrai : du contrôle de zone avec une large prime au premier.

La mécanique est encore celle de dés (5 cette fois) qu'on va lancer pour former deux paires de dés (Can't Stop n'en finit pas de faire des petits... 40 ans après sa création); le cinquième dé n'est donc pas utilisé. Les clairières sont numérotées de 2 à 12 et on va donc simplement poser un de nos jetons sur les cases correspondant à nos deux paires de dés. Au bout de 10 tours, on fait les comptes.

Simple et certainement jouable en 10 minutes vu que tous les joueurs font leurs jets de dés et répartition en simultané (et en secret... même si rien n'est prévu pour dissimuler ses choix). C'est encore annoncé pour 6 ans et plus; ce qui n'est pas absurde vu la simplicité du jeu mais probablement un peu juste pour que la partie soit aussi subtile que possible entre adultes.

Un peu trop simple ? La proximité avec Mountain Goats ne plaide pas en faveur de ce jeu de majorité très basique.

Trois petits jeux qui raviront l'amateur de fillers (ces jeux bouche-trous qu'on qualifie souvent en France "d'apéro"... comme s'ils étaient compatibles avec l'engloutissement de saucisson). Les gens qui apprécient les jeux simples dont les parties peuvent se multiplier à l'envie (comme moi, quoi^^).

La structure de l'offre Kickstarter incite clairement à prendre les trois jeux; plutôt qu'à en choisir un qui nous plait plus. Un jeu pour $15 et le pack des trois pour $39. Auxquels s'ajoutent des frais de port identiques (annoncés à $9) quel que soit le nombre de jeu pris.

A environ 15€ (fdpin) le jeu (en prenant les trois), et vu le soin apporté aux précédentes production de l'éditeur, difficile de résister si vous aimez ces petits jeux. Si on ne tient pas compte, évidemment, de la période très anxiogène. Ou de la non-campagne menée par l'éditeur...