Santorini est un jeu abstrait qui fait parler de lui depuis un peu plus de 30 ans. Roxley, qui a mené l'année dernière une campagne exemplaire pour Steampunk Rally (tout porteur de projet KS devrait se servir de leur gestion d'après-KS comme d'un tuto!), lui offre enfin la chance d'une réelle distribution.
Santorini: un peu d'histoire et de géographie
Santorini est l'oeuvre d'un mathématicien, Gordon Hamilton, plus connu sous le pseudo de Gord. Depuis 1984, celui-ci développe son petit bébé, distribué (au compte-goutte) en auto-édition. Mais, jusque là, jamais d'édition "réelle". Les rares exemplaires qui m'aient été donné de voir/utiliser étaient d'ailleurs des jeux "fait maison" (des cubes, des cylindres et des pyramides, ça se fait facilement).
Autant commencer par là: Roxley a juste sublimé (comme ils disent dans Top Chef) Santorini. Regarder le jeu (ou au moins son prototype) transporte instantanément sur Santorin (ou Thera, je n'ai jamais réussi à me rappeler lequel était le nom officiel) et ses villages blancs éclatant à coupoles bleues. A une époque pas si lointaine, il y avait des gens pour poser un Abalone en déco sur leur table de salon (il y en a sans doute encore...). Ça, c'était avant. Parce que, à partir de novembre (si tout se passe bien), à la poubelle l'Abalone!
Le plus beau chez Santorini, c'est pas sa beauté
le jeu en situation
Ce jeu n'est pas beau: il est magnifique. Comme le dit @jfmagic16 dans ses notes du projet: Santorini ou "comment rendre un jeu abstrait sexy". Tellement sexy qu'il lui a même collé un 9.5/10 en intérêt... alors que ce n'est pas du tout son genre de jeu 😉
Et il ne se trompe pas. J'avais pu jouer à Santorini il y a... bien longtemps et il est tout le temps resté sur ma liste de jeux recherchés. Non pas qu'il était aussi beau, c'était une version bricolée avec des formes en bois de jeu d'enfant. Mais l'élégance du jeu compensait le "bricolage".
Le principe de Santorini tient sur un post it: on dispose de deux ouvriers; à son tour on déplace un ouvrier d'une case puis on construit un étage de bâtiment sur une case adjacente. Le premier qui pose un ouvrier sur un bâtiment de 3 étages gagne. On ne peut monter que d'un étage quand on se déplace. Et tout bâtiment sur lequel on pose un toit (dôme) n'est plus utilisable.
Simple, sobre, élégant. Vu qu'on bouge avant de construire, et que le plateau de jeu est extrêmement petit, l'exercice qui consiste à amener son ouvrier sur un troisième étage, tout en empêchant son adversaire d'en faire autant, est un puzzle à la fois spatial et vivant. C'est qu'il a l'air enfantin ce jeu avec seulement 25 cases. Mais attendez-vous à souvent vous gratter la tête une fois que la 3ème dimension prend le dessus. Et plus encore quand quelques cases deviennent condamnées, limitant d'autant vos options et votre capacité de réaction aux mouvements de votre adversaire.
Et Gord créa les Dieux
SG atteints
Comme si cela ne suffisait pas, Gord a eu l'idée de génie d'ajouter en plus des cartes de pouvoirs. Chaque joueur dispose d'une carte de dieu du Panthéon grec qui lui accorde un pouvoir supplémentaire. Et chaque dieu dispose d'un pouvoir différent.
Si vous avez la faveur d'Athena, par exemple, et faites grimper un de vos ouvriers d'un étage, votre adversaire ne peut alors pas faire grimper un de ses ouvriers pendant son tour. Aphrodite, elle, va imposer une contrainte bien thématique à votre adversaire: si l'ouvrier qu'il déplace est adjacent à un de vos ouvriers, il doit terminer son déplacement en étant encore adjacent à un de vos ouvriers. Hades, lui, empêche votre adversaire de faire tout mouvement en descente. Etc...
Les éditions précédentes comportaient 5, puis 8 Dieux. L'édition 2016 en compte déjà 19 (plus deux Héros qui ne peuvent servir qu'une fois par partie. mais avec un pouvoir très efficace, comme Achille qui va permettre, une seule fois dans la partie donc, de Construire avant de se Déplacer).
A ma connaissance, Santorini est le seul jeu abstrait qui ait ajouté cette dimension. En terme de rejouabilité, autant dire que l'on n'est pas prêt d'en avoir fait le tour!
Santorini oh oui! Mais...
Car il y a un mais...
Tous ces dieux supplémentaires, décrochés en bonus, ne sont pas exclusifs à Kickstarter et seront disponibles dans la version boutique. De même que le bonus 3ème joueur (qui était dans la première édition mais avait été retiré de la seconde).
Et c'est là qu'on peut se fâcher. Autant le jeu est sublime, autant les conditions imposées par l'éditeur sur KS sont déplorables. Rien d'exclusif donc pour remercier le backer. Soit. On s'attend alors à un prix préférentiel, des extensions cadeaux etc. Et là, moins que rien: le soutien de base est proposé à 63€. C'est sublime, certes. Mais le prix n'est absolument pas justifié!
Seule solution: passer par un pledge groupé. Deux exemplaires reviennent à 54€ chaque, encore trop cher. Trois à 48€. Et cinq à 36€ le jeu, ce qui est excellent. A 36€ le Santorini, vous ne devriez pas le regretter (et si c'est le cas, vous trouverez certainement un repreneur). Vous trouverez plusieurs pledges groupés qui se montent sur le forum dédié. Quitte à payer un envoi en plus par Mondial Relay, cela vous coûtera toujours moins cher qu'un pledge 3 boîtes.
On peut regretter de devoir en arriver là. Et on serait certainement réticent à pousser dans ce sens, surtout en absence de réel bonus par rapport au jeu en boutique, si Roxley n'avait pas gagné la confiance des backers avec sa gestion de Steampunk Rally.
Et ce sera pourtant notre recommandation en demi-teinte pour un projet qu'on adore: si vous pouvez rejoindre un groupé, foncez! Sinon, attendez qu'il soit disponible en boutique. Vous paierez sans doute un peu plus cher qu'en groupé, mais beaucoup moins qu'en le prenant tout seul sur KS.
Dommage car sans ce souci de prix, on tenait notre premier projet à plus de 9/10...