Druid City est passé maître dans l'art d'enjoliver un jeu. The Grimm Forest (La Forêt des frères Grimm en français), Sorcerer City (VO actuellement en précommande, dispo dans le mois) et, plus encore, leur dernier KS en date, Tidal Blades... Si vous aimez les beaux jeux, Druid City est tout en haut de la liste des éditeurs à suivre.
En tout cas si vous appréciez les jeux légers / intermédiaires (voire très léger pour The Grimm Forest). C'est son domaine de prédilection. Les retours sont donc toujours un peu teintés de "oui mais" dus essentiellement à des erreurs de casting : des joueurs qui s'attendent à du plus velu (ou du moins léger).
L'éditeur semble franchir encore une nouvelle étape avec Wonderland's War. La Direction Artistique gagne encore en couleurs, en fantaisie, en richesse. Et le gameplay se révèle assez touffu : "draft", bag building, stop ou encore et majorité... un joli mélange, fort prometteur.
Mais aussi inquiétant.
Un gameplay qui tient ses promesses?
Le jeu est sans conteste riche en choix, en décisions stratégiques et/ou tactiques. Et s'enrichit même de pouvoirs asymétriques, cinq différents pour chaque personnage. Malheureusement, avec pour tout support des parties filmées et previews payées, et en absence de tout proto, démo sur tabletopia ou autre... pas facile de se faire une idée réelle de l'engin.
Druid City se livre à un exercice difficile avec Wonderland's War qui jongle entre réflexion et fun, en offrant une grande liberté de choix malgré un jeu assez simple (même si pas forcément très accessible) mais un peu long pour le grand public (comptez deux heures à quatre).
Le jeu se déroule sur 3 tours, eux-mêmes divisés en deux grandes phases. Gagnera celui qui aura cumulé le plus de points à la fin. Ceux-ci viendront pour l'essentiel (du moins en principe) des affrontements pour le contrôle des 5 régions représentant le Pays des merveilles. Chacune attribue des scores différents selon que vous y êtes le plus influent, second en influence etc.
Les personnages iconiques du roman (Alice, le Chapelier fou, la Reine de cœur, Jabberwocky, le chat du Cheshire) commencent chaque tour par une Tea Party durant laquelle ils recruteront des forces pour la bataille à venir.
En simplifié : vous allez drafter n'importe laquelle des cartes disponibles en déplaçant votre jeton sur son siège/emplacement. Mais impossible de faire marche arrière: vous renoncez du même coup aux cartes précédentes. A moins de faire un tour complet de la table... et ramasser au passage des "éclats de miroir" qui vous pénaliseront plus tard (points négatifs...). A chacun de jongler entre vitesse, optimisation, prise de risque et sagesse.
Chaque personnage dispose d'un pouvoir particulier pour cette phase du jeu : Alice se déplace en sens inverse, le Chapelier peut ne pas bouger pour drafter une de ses cartes, Jabberwocky peut prendre la carte de son emplacement ou la précédente (sous réserve, il est présenté avec des pouvoirs différents)...
Tout le monde tourne ainsi autour de la table jusqu'à ce que chacun ait récolté 4 cartes. Et les joueurs remplissent ensuite leur sac des jetons correspondants. Les cartes peuvent représenter des créatures aux capacités uniques (les Wonderlandiens comme le Lapin blanc ou la Licorne) ou des forces dotées de pouvoirs : les Tours rouges (immunisées aux autres pouvoirs), les Flamants (doublent la valeur du jeton suivant), les Roses (déplacent l'influence d'une région à l'autre), les Soldats-cartes (remettent dans le sac des jetons utilisés)...
On termine en ajoutant des jetons aux effets négatifs, dits de "Folie", qui vous feront perdre des troupes (celui qui a reçu le plus d'Eclats de miroir lors du draft en "gagne" un en malus).
Chaque carte draftée indique aussi combien de troupes de base vous pouvez ajouter sur une des cinq régions. Et, enfin, il est temps de positionner vos leader sur une des cinq régions (où ils comptent comme une troupe supplémentaire pour la bataille).
Bataille au pays des fous
On résout les régions une par une. Tous ceux qui ont des troupes dans la région vont participer à la bataille. Autrement dit : piocher, en simultané, des jetons dans leur sac. Un par un. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'un protagoniste.
Chaque jeton va ajouter à votre influence, selon sa force. Et peut vous faire bénéficier en plus d'un effet éventuel (vous doublez sa force si vous avez tiré un Flamant au tour précédent par exemple). Les jetons Folie, eux, vous font perdre des troupes (1 ou 2).
Mais attention : si jamais vous vous retrouvez sans troupe dans une région, vous êtes éliminé de cette bataille. Vous pouvez toutefois utiliser votre bouclier (une fois par bataille) pour annuler un jeton Folie.
Il est aussi possible de ne pas prendre de jeton et révéler une main vide. On abandonne alors le combat. Soit pour économiser ses forces pour une meilleure bataille. Soit car cela vous arrange de perdre.
Le système de tirage de jeton un par un, avec ajustement des effets et de l'influence, est certes un peu long. Mais il permet aussi de créer un climat de tension qui se couple à cette menace permanente d'être éliminé si on n'a plus de troupe de base dans la région en cours.
Même si vos chances de l'emporter au score semblent minces, peut-être l'adversaire piochera-t-il un jeton Folie qui le mettra, à son tour sous pression. Peu importe que vous ayez une avance de 10 points d'influence si un seul jeton Folie en plus peut vous éliminer instantanément.
Et puis... Tout comme un non-anniversaire peut être joyeux, gagner une bataille peut être moins intéressant qu'une non-victoire. Entre :
- les points accordés au second d'une bataille;
- les éventuels bonus liés à votre score d'influence (Forge, que je vous explique plus loin);
- les cartes de Quête (gagnées lors de la Tea Party en draftant certains soutiens) qui vous accordent un bonus selon des conditions improbables (comme votre score dans une région donnée). Eh! vous n'êtes jamais venu dans cette région pour la conquérir mais juste pour arriver à un score d'influence de 4, 9 ou 13... et prendre un bon gros bonus au passage!
Une fois les 5 combats "gérées", on repart pour une Tea Party avec des cartes plus fortes.
C'est en forgeant qu'on devient fort
Forger est un des mécanismes les plus importants du jeu; même si pas forcément le plus visible. A chaque fin de combat dans une région, vous pourrez Forger si vous avez pioché dans votre sac un jeton Forge et/ou si votre score d'influence le permet (2, 5, 8, 14, 24) et/ou selon vos pouvoirs.
Quand on forge, on place un des jetons tirés lors du combat sur un des emplacements prévus sur son plateau individuel. Il sera donc possible d'affiner son deck en éliminant les jetons les plus faibles; et de les remplacer par des jetons de plus forte valeur. Et / ou avec des effets plus puissants.
Seule condition : ne pas avoir été éliminé du combat... Autant dire qu'entre abandonner un combat ou risquer de tout perdre, y compris ses occasions de forger... le choix sera souvent vite fait. Les quelques points perdus étant largement compensés par le gain de puissance (et les éventuels effets de Quête).
Et si on secoue tout ça, il en reste quoi ?
Je me suis réalisé un petit proto pour voir comment tourne ce petit bordel. Et je suis assez surpris du résultat. Je m'attendais à un jeu très chaotique, plus déjanté que stratégique, qui aurait sa place en famille (en admettant que 2h de jeu reste "familial") ne serait-ce que pour le thème et la DA à tomber.
Et je dois réviser mon jugement. Car cela tourne vraiment bien.
Attention ! Il ne s'agit que de simulations en solo (impossible de faire jouer qui que ce soit sur mon horreur imprimée à la va-vite). Avec des règles très incomplètes (et qui changent apparemment encore). Des effets parfois estimés à partir d'images incomplètes. Et un deck de Quêtes constitué de quelques cartes.
Le jeu est à la limite un peu long. Comme dit avant, deux heures semble réaliste. Même si les 90 minutes annoncées ne sont pas impossibles, le côté fun du jeu se prête peu à un jeu accéléré. Mais si la mayonnaise prend, personne ne viendra se plaindre de la durée (à mon avis).
Le jeu est bel et bien chaotique :
- Une ou deux mauvaises pioches de jetons peuvent ruiner votre plan pour une bataille. Mais ce n'est jamais qu'une bataille; j'ai été surpris de voir que sur, l'ensemble du tour, le préjudice n'est pas catastrophique
- Pire, cela peut vous faire perdre une bataille gagnée. Parfois alors même que votre adversaire abandonne. Prévoyez quelques séances de couinage intensives, ce jeu demande un cœur bien accroché (mais sans interaction directe, négative).
- Le système de dés pour déterminer le nombre d'éclats de miroir "gagnés" en faisant le tour de la table lors de la Tea Party fera lui aussi grincer.
- Les Quêtes sont très aléatoires, pouvant parfois se combiner à merveille ou, au contraire, faire un grand écart stratégique.
Mais Wonderland's War est aussi stratégique. Étonnamment, étrangement, stratégique.
Parce que vous ne pourrez pas être partout. Ne pourrez pas tout faire. Mais tout de même un peu. Et en étant toujours près à basculer sur un plan B. Avec cette originalité de devoir autant penser à ce que vous ne souhaitez pas gagner qu'à ce que vous pourriez contrôler.
Et, parfois, vous vous retrouverez à forcer la décision pour ne pas perdre une bataille (mettant du coup en danger le reste de vos batailles du tour) face à un adversaire qui n'a jamais envisagé de la gagner.
Ou à devoir ne pas ne pas gagner (pas d'erreur) comme vous l'espériez pour vous contenter d'un gain secondaire (exemple typique : vous n'êtes pas au score demandé par votre quête et risquez de bust -et tout perdre- ou louper le score demandé en continuant; alors qu'en arrêtant, vous pourriez forger trois jetons et prendre quelques points de victoire).
Ne soyez pas si pressé de croire tout ce qu'on vous raconte.
Wonderland's War n'est pas vraiment un jeu de contrôle. "Publicité mensongère" ;). Ce n'est même pas un jeu où vous affrontez réellement vos adversaires. Comme l'univers de Lewis Caroll, le jeu tient du trompe-l’œil. Rien n'y est vraiment ce qu'il semble.
Les stratégies peuvent d'ailleurs être tellement différenciées que tout le monde ne jouera pas au même jeu en même temps.
En fait, il ressemble plus à une salade de points, les points de victoire gagnés par les batailles pouvant être secondaires. Il doit même être possible de suivre certaines stratégies où le contrôle est anecdotique.
Après quelques tests, on réalise qu'il ne s'agit pas du tout d'un jeu d'affrontement. Plusieurs joueurs vont se retrouver sur une région du Pays des merveilles mais souvent avec des objectifs différents. Voire aucun objectif en commun. Un peut chercher la majorité, le second vient pour abandonner une fois parvenu à un score d'influence et le troisième espérera juste bust.
C'est la confrontation de ces différents objectifs qui va générer une tension originale. Des scénarios improbables. Étranges. Et, bien sûr, du fun. Beaucoup. Mais aussi, contrairement à ce que l'apparence chaotique du jeu laisse supposer, peu de vraies sources de frustration.
Mais les rêves ne sont pas la réalité…
Qui peut dire où commence l’un et où finit l’autre ?
Le défaut du système est de savoir à qui ce jeu s'adresse. Parce qu'il va demander de la finesse, de la stratégie, de la méthode pour affiner son sac de jetons et l'améliorer, un bon sens tactique, une bonne lecture pour limiter/maximiser gains et pertes, assurer ses régions clés mais sans trop investir...
Donc pas vraiment du familial de base.
Il faudra aussi de la souplesse et une bonne capacité de résistance face aux mauvais tirages, au stop ou encore que vous impose un adversaire qui ne cherche pas à gagner (mais peut vous faire perdre); ou à ces situations absurdes où vous avez mis le paquet face à deux adversaires qui abandonnent le combat au premier jeton.
Pas vraiment pour les purs amoureux de la planification, de l'optimisation calculée.
Si vous êtes entre les deux, à la recherche d'un jeu pas trop complexe (et pas calculatoire) mais assez riche tout de même, jonglant entre stratégie et imprédictibilité, qui va durer 2h maxi (les gens souffrant d'analysis paralysis sont priés de s'abstenir; ils n'y survivraient probablement pas) dans la bonne humeur et les rebondissements épiques... ou absurdes... alors Wonderland's War est probablement le plus beau titre que vous devez ajouter à votre ludothèque.
Si c'est votre cas, et que vous avez la chance d'avoir le bon groupe pour y jouer, optez pour les jetons de poker. Et, donc, probablement aussi pour la Deluxe. Ce qui, j'en conviens, n'est pas donné.
Ma plus grande crainte (hormis la difficulté à trouver LE bon public) concerne surtout le draft (Tea Party). Si les joueurs commencent à bien différencier leurs stratégies, celui-ci risque de tourner à la formalité. Chacun cherchant des cartes différentes, l'interactivité (qui n'est déjà pas le point fort de cette phase) risque de disparaître.
A prendre avec toutes les réserves d'usage puisque je n'ai évidemment pas pu tester en conditions réelles.
Thématiquement, celui-ci a pourtant du sens. Et sans lui, le plateau paraîtrait bien vide. Mais le temps pourrait bien sembler (un peu) long entre deux phases de combat avec cette mise en scène assez lourde pour seulement 4 cartes draftées.
Un système plus simple de draft n'aurait peut-être pas permis de réaliser un aussi beau jeu mais aurait probablement permis de ramener le jeu sous les 90 minutes.
Autre défaut du jeu : la mise en place est assez longue. Limite, même, pénible. Il en va sans doute de même du rangement (mais mon truc de test bidouillé ne me permet pas d'en juger^^). Prévoyez un système maison regroupant tout le matériel nécessaire à chaque joueur.
Au final, une bonne surprise. Et un jeu qui fera certainement des heureux entre son design haut de gamme, exceptionnel, et un gameplay surprenant qui transcende l'étiquette "contrôle territorial". Trompeur.
Je suis totalement vendu par le design du chat de Cheshire. Un peu moins par celui d’Alice, mais faut voir !
petit drapal pour suivre car j’aime bien les artworks
DA magnifique… font chier chez Druid City games. Ils pourrait pas faire des jeux moches comme les autres…
comme on dit drapal
[quote quote=373187]DA magnifique… font chier chez Druid City games. Ils pourrait pas faire des jeux moches comme les autres….
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Déjà, ils font pas de PG, ça devrait t’aider, non ? :mrgreen:
Pfiouuu c’est joli. Allez je laisse un petit drapal.
[quote quote=373187]DA magnifique… font chier chez Druid City games. Ils pourrait pas faire des jeux moches comme les autres….
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Je plussoie. Drapal pour la DA, on verra le jeu qu’il y a derrière.
pas mieux, drapal
Wonderflag
Drapal plutôt deux fois qu’une ! Après la magnifique DA sur Tidal Blades dont je me tâte de prendre la version deluxe… là c’est tout aussi beau. Druid City Games font fort quand même … A suivre de très près.