Prévu initialement pour l'automne, c'est finalement en janvier que CMON aura lancé le financement de ce second opus de la saga World of Smog. Et, au passage, son 25ème kickstarter ! Ce petit délai aura permis d'éviter la multiplication des projets à figurines d'octobre-novembre. Mais aussi permis à CMON de résorber le retard sur ces précédents KS, quasiment tous livrés ou en livraison.
Le premier, In Her Majesty's Service, était un petit jeu de plateau inhabituel pour l'éditeur qui avait néanmoins obtenu un résultat médiocre pour cet habitué des gros succès. Cette fois-ci, CMON n'a pas pris de risque et nous propose ce qu'il sait faire de mieux. Ou ce qui lui vaut systématiquement une belle réussite : de la fig en pagaille (une bonne centaine rien que pour le jeu de base).
Mais plus encore que le plastique, c'est le style du jeu qui retient toute notre attention. CMON a réussi à valoriser l'univers riche de Smog. Du steampunk mais multifacette, qui lorgne aussi bien du côté de la magie vaudou que du grotesque. Le tout est magnifiquement mis en valeur par une Direction Artistique impeccable, qui fait oublier la diversité au profit d'un univers unique et profond.
Rise of Moloch n'était pas le projet le plus attendu de CMON. Mais il réussit à nous interpeller par son style, son élégance.
Un jeu plus classique, orienté "roleplay"
Derrière cet habillage sur mesure, digne d'un tailleur londonien, on trouve un jeu "tous contre un" avec un joueur incarnant le méchant Némésis et les autres travaillant ensemble à le vaincre. Rise of Moloch est prévu pour être joué en campagnes de six scénarios, avec des Intermissions qui permettront aux héros et au Némésis de progresser en compétences et en équipement. On est donc dans le même registre que les Descent et Star Wars: Imperial Assault. Même si le nouveau CMON devrait être un peu plus léger.
L'ensemble des mécaniques est assez classique de ce genre de jeu et ne perturbera pas n'importe quel joueur ayant déjà tâté du genre. La particularité essentielle tient ici dans l'ordre du tour que le "capitaine" des héros va décider en secret (cartes face cachées pour chaque joueur) ainsi que du rôle attribué à chaque héros (chaque rôle apportant un bonus pour certaines actions). Le Némésis fait de même avec ses minions et le tour se résoudra de façon alternée : héros, minion, héros etc.
Cette idée de "capitaine" avait un peu fait crisser quelques dents lors de la présentation initiale du projet. Ce n'est évidemment pas aussi "dirigiste" que certains avaient pu le craindre. Et le système ajoute du coup une petite part de tactique inédite, à la limite du bluff, dans l'organisation du tour. Toutes les discussions entre joueurs se font devant le Némésis mais le choix ultime de l'organisation du tour revient au seul Capitaine, qui le fait en secret. Avec toutes les surprises, bonnes et mauvaises, que cela peut engendrer.
Parmi les autres mécaniques intéressantes, l'Ether utilisé par les héros pour activer certaines actions spéciales et autres équipements puissants. Cette ressource permet d'utiliser les actions les plus efficaces mais, une fois dépensée, elle s'en va chez le Némésis qui pourra à son tour s'en servir pour augmenter ses pouvoirs. L'idée n'est pas vraiment neuve, elle était déjà à la base de Level 7: Omega Protocol ; et pour l'avoir testé, c'est un système brillant qui force les joueurs à des choix difficiles, avec une prise de risque nécessaire. Elle est ici couplée à des cartes "Chaos" qui viennent perturber la partie et augmentent les pouvoirs du Némésis.
Enfin, si les héros ne meurent pas vraiment dans Rise of Moloch, ils se retrouvent avec des cartes "Torment" qui sont autant de malus. Ajoutées/opposées aux Intermissions qui vont permettre de faire progresser les personnages, l'ensemble lorgne clairement du côté du jeu de rôle.
Tout ce qu'on aime dans un jeu CMON
Rise of Moloch ne manque pas d'atouts. Sa direction artistique, ses graphismes (on retrouve le talentueux Georges Clarenko qui a signé les plateaux de Conan par exemple), les figurines originales (même si elles se basent pour beaucoup sur ce qui avait été édité il y a quelques années pour Smog 1888 -mais à prix d'or, en 54mm).
Le jeu est assez classique dans l'ensemble. Le système d'ordre du tour est certes original mais ne devrait pas révolutionner le genre. On est dans une production CMON inspirée mais pas novatrice, semblable à ce qu'ils savent faire le mieux : des jeux funs, sans prise de tête, où tout le monde se met dessus à grandes brouettes de dés. Mais ça semble plutôt réussi.
Et aussi tout ce qu'on aime moins...
Les défauts du jeu sont aussi ses qualités. Le jeu, dans ses grandes lignes, est très proche de leur récent The Others. Or, celui-ci nous semble bien plus intéressant à jouer pour le joueur "méchant". Le style démarque évidemment les deux jeux. Mais, plus encore, le fait que Rise of Moloch se joue en campagne là où The Others est un jeu de plateau plus "normal" avec des parties de 60-90mn et on remballe.
Reste l'intérêt réel des phases d'Intermission ? L'enchaînement des scénarios en campagne ? Et le plaisir pris à jouer le Némésis qui est crucial dans ce genre de jeu où le possesseur du jeu doit généralement endosser le costume du méchant.
Par contre, Rise of Moloch devrait sans problème se prêter au jeu à deux. Le système d'ordre secret, alterné pour le tour se prêtant très bien au metagame du tête à tête.
Dernier obstacle : le coût. Si le soutien de base est proposé à $100 (hors fdp), le soutien recommandé sera évidemment celui à $120 avec une petite extension. Rien qu'avec les frais, on arrive facilement à $150 ; à l'heure où le taux de change n'a rien de réjouissant pour les européens. Deux packs de héros supplémentaires sont proposés à $25 dont le superbe Baker Street Set auquel il sera difficile de résister. Et deux extensions sont disponibles, à $32 chaque mais non exclusives, on peut facilement remettre à plus tard.
Les bonus sont nombreux même si peut-être pas aussi généreux que pour certaines campagnes précédentes (comme The Others). Cela devrait largement compenser les $125 payés pour la seule boîte de base (fdpin) par rapport aux 90€ que vous paieriez en boutique (rien qu'avec les dés en bonus, qu'il faudra acheter de toute façon comme toujours). Au final, ce devrait être quasiment deux extensions exclusives offertes (explorateurs/British Museum et ?).
Pas le CMON le plus excitant qu'on ait connu. Mais un jeu bien travaillé, très propre et avec du potentiel si vous cherchez un jeu à Overlord pas trop compliqué pour jouer en campagne. Et si le style vous parle, évidemment.
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